Stratégie de l’OMP en matière de réinsertion socioéconomique et de lutte contre la récidive « Pour la mise en place d’une stratégie nationale intégrée »
Contexte :
Au cours des 10 dernières années, des efforts considérables ont été réalisés en matière de réforme du système pénitencier et du système pénal au Maroc, attestant de la volonté des autorités du pays à œuvrer pour l’amélioration des conditions matérielles, morales et humaines des prisonniers et contribuer à augmenter leur potentiel de réinsertion socioéconomique ; considérant que la récidive et la réinsertion dans la société sont étroitement tributaires des conditions d’emprisonnement.
A cet effet, il convient de rappeler les éléments-clé de la réforme engagée:
- Création de la Délégation Générale de l’Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion jouissant de l’autonomie financière et juridique
- Création du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH)
- Création de l’Observatoire des Droits de l’Enfant(ODE)
- Instauration de l’Instance « Equité et Réconciliation » (IER)
- L’Instauration de l’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH)
- Instauration de DIWANE AL MADALIME (pour les doléances) Institution du Médiateur
- Constitutionnalisation des droits des prisonniers (Articles 20 et 23) – 2011
Si plusieurs stratégies et programmes sectoriels sont mis en œuvre en matière de réinsertion socioéconomique des détenu(e)s, notamment par la DGAPR dans le cadre de partenariats avec le PNUD, l’Union européenne et des Etats membres, par le Ministère de la Jeunesse et des Sports et par la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, il n’existe pas de cadre stratégique commun permettant d’orienter les politiques publiques en matière de réinsertion socioéconomique et de capitaliser les efforts des différents acteurs publics et privés concernés par cette problématique sociétale.
De plus, bien que des statistiques existent sur le nombre/qualité de bénéficiaires aux programmes d’alphabétisation, de formation académique et de formation professionnelle dispensés dans les établissements pénitenciers, les centres de réhabilitation pour mineurs, y compris les centres pour les filles ; force est de constater qu’aucune statistique fiable n’est disponible aujourd’hui sur le taux de réinsertion des prisonniers au terme de leur peine, ni sur le taux de récidive, et lorsqu’elles sont communiquées, ces données divergent souvent d’une autorité à l’autre (Ministère de la Justice, Administration pénitentiaire, Police judiciaire, Gendarmerie royale…). Selon le rapport annuel de la DGAPR pour 2017, le taux de récidive avoisinerait les 36%, sur une population carcérale de 81 141 détenus.
Stratégie de l’OMP en matière de réinsertion et de lutte contre la récidive :
Face à ce constat, l’Observatoire Marocain des Prisons, conformément à sa mission de protéger et promouvoir les droits des détenu(e)s et de formuler des propositions pour la mise en œuvre de cadre normatif et de mesures pour la réhabilitation et la réinsertion socio-économique des détenu(e)s et particulièrement des mineurs, intervient dans le champ de la « réinsertion et de la lutte contre la récidive » selon différentes modalités :
Réalisation d’une étude sur la réinsertion socioéconomique des détenus et la récidive :
Dans l’objectif de documenter ces problématiques, de produire des statistiques fiables et de dégager des lignes directrices pour l’élaboration d’une stratégie nationale intégrée en matière de réinsertion socioéconomique et de lutte contre la récidive.
Les résultats de cette étude permettront d’ouvrir un débat avec les différentes autorités et acteurs concernés pour la mise en œuvre d’une stratégie nationale à même de :
- Fournir des réponses adéquates et spécifiques à ces problématiques sociétales
- Permettre un suivi des politiques publiques en matière de réinsertion et de lutte contre la récidive
- Assurer la cohérence dans l’action gouvernementale en matière de réinsertion et de lutte contre la récidive
- Orienter et mutualiser les efforts des différents acteurs publics et privés concernés
- Renforcer les investissements ciblés et complémentaires
- Renforcer les plans et programmes sectoriels existants
Cette stratégie nationale devra impliquer :
- Les représentants des ministères et institutions publiques impliqués dans la réforme pénitentiaire et composant la commission interministérielle : Justice, Santé, Education et Formation Professionnelle, Jeunesse et Sports, la DIDH, les acteurs judiciaires
- Le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH)
- La Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus
- Le secteur privé
- Les OSC
Méthodologie :
Cette étude, qui aborde plusieurs dimensions, sera conduite selon une démarche pluridisciplinaire et multi-acteurs.
- Une équipe de chercheurs sera mobilisée (experts, statisticiens, sociologues, juristes, économistes…) pour le volet « étude qualitative et quantitative » ;
- Un groupe de professionnels de la justice (avocats, juristes…) sera mobilisé pour le volet « propositions législatives » ;
- 4 ateliers scientifiques seront réalisés avec les différents acteurs concernés : (1-DGAPR, 2- MJS, 3- Centre de réforme pour les filles, 4- Ensemble des acteurs (DGAPR, commission interministérielle, CNDH, F-MVI, secteur privé, OSC).
- Les résultats seront présentés en conférence de presse et constitueront la base du plaidoyer envers les autorités concernées.
Assistance juridique aux détenu(e)s, sensibilisation – accompagnement :
L’OMP intervient dans le champ de l’assistance juridique aux détenu(e)s et de suivi des doléances, dans le cadre d’une Convention avec la DGAPR, en vertu de laquelle des avocats sont mis à la disposition des détenu(e)s afin de leur fournir des informations juridiques sur leur situation d’incarcérés, sur leurs droits, ainsi que pour engager des procédures avec les administrations compétentes pour le règlement de ces problèmes. En effet, plusieurs problèmes d’ordre administratif, social, de santé, économique, etc. sont vécus par les prisonniers, ces problèmes n’étant pas pris en charge par l’assistance judiciaire fournie aux détenu(e)s relative au déroulement du procès.
Cet axe d’intervention de l’OMP comprend la formation de groupes d’avocats et leur mobilisation à travers des missions d’assistance juridique aux détenu(e)s et leurs familles et de suivi & traitement des dossiers de doléances des détenu(e)s. Des personnes ressources (professionnels et représentants d’OSC) sont également mobilisées lors des visites des détenu(e)s pour la dimension de sensibilisation et d’accompagnement qui comprend : – la distribution de documentation de sensibilisation sur les droits des détenu(e)s, – des entretiens individuels et de groupes, ainsi que – des activités de sensibilisation et de renforcement personnel, notamment à travers la culture et l’art. Cet axe de travail de l’OMP touche en moyenne 300 détenu(e)s par année (hommes, femmes et mineurs), d’environ 15 établissements pénitentiaires au Maroc. C’est ainsi qu’en 2018, 5 activités de renforcement personnel ont été organisées dans les centres de réhabilitation pour mineurs (Tanger (1), Benslimane (1), Marrakech (1), Casablanca(2)), co-animées par un intervenant artistique (ateliers de peinture) et des membres de l’OMP (professeurs, avocats, juristes, médecins…) au profit de plus de 100 jeunes détenu(e)s, y compris des femmes.
Mise en œuvre de micros projets de réinsertion / lutte contre la récidive :
Trois (3) micro projets seront menés en 2020 par des OSC en faveur des pensionnaires des établissements pénitentiaires et centres de rééducation pour mineurs, dans l’objectif de contribuer à l’humanisation des conditions de détention et à la préparation des détenu(e)s à leur insertion dans l’environnement social et économique. Il s’agira d’appuyer des projets pouvant fournir un accompagnement social, de développement des compétences et de renforcement personnel pour que les détenu(e)s, particulièrement les jeunes, soient outillés afin d’affronter positivement la période de retour à la liberté et de réinsertion.
Types d’activités financées :
Des actions de renforcement personnel par la culture, la création artistique, des activités de formation, de renforcement/développement des capacités, des actions d’orientation et d’accompagnement pour la re-scolarisation ou la scolarisation, des actions de réseautage et la mise en place de banques de ressources pour la réinsertion professionnelle des détenu(e)s, des actions de coaching pour la recherche d’emplois, etc.
Entités éligibles à l’octroi de micro-financements:
Les organisations de la société civile, avec une priorité accordée aux organisations œuvrant dans les champs et/ou en direction des détenu(e)s, de la jeunesse en situation de précarité, des femmes, de l’handicap, dans le domaine de la formation, de l’emploi et de l’auto-emploi (entreprenariat, TPE,…), de la culture, etc.